Le projet ADEME EPSencity, lancé début 2014, avait comme objectif la compréhension des interactions entre formes urbaines, usages et performances énergétiques. Sur la base d’une Analyse de Cycle de Vie (ACV) sur 100 ans, l’étude a consisté à comparer différents modes de logements à Bobigny et à Villiers sur Orge ; avec une équipe pluridisciplinaire composée d’ingénieurs et de sociologues tels que le CES (MINES ParisTech et ARMINES), GREThA, AUXILIA, Environnons, LAVUE (coordinateur) et l'aide de NEXITY. Quels sont les résultats obtenus à la fin du projet ?
Les objectifs du projet étaient de mieux comprendre les interactions entre formes urbains, usages et performances énergétiques : les usages, en s’intéressant à leurs significations pour les habitants, au-delà de la dimension fonctionnelle ; les modalités d’appropriations des espaces bâtis, en s’intéressant aux liens sensibles et affectifs entre les habitants et leur espace de vie ; les enjeux économiques, environnementaux et sociaux liés aux bâtiments et à la mobilité résidentielle. Il s'agit enfin de fournir des préconisations pour les projets futurs.
Une première étape a été la collecte des données physiques des bâtiments (matériaux, parois, équipements) et des espaces extérieurs (voiries, espaces verts) afin de construire les maquettes numériques et les modèles thermiques. La deuxième étape a consisté à établir les scénarios usuels décrivant l’utilisation des bâtiments. Les scénarios règlementaires ne sont pas satisfaisants car ils décrivent de manière conventionnelle mais peu réaliste les comportements des habitants. Les données de l’INSEE ont également permis de déterminer de manière approximative le nombre d’occupants dans les différents types de logements. Les enquêtes de terrain ont alors permis une modélisation plus réaliste. La dernière étape avant la modélisation a été la définition des hypothèses de l’ACV et des Unités Fonctionnelles (UF) considérées. Les données d’impacts environnementaux des différents éléments ont été tirées de la base de données Ecoinvent. L’analyse est faite sur tout le cycle de vie des bâtiments, de la construction à la démolition après 100 ans.
Dans un premier temps, les résultats de modélisation ont permis de comparer les différentes morphologies au sein d’un même quartier. Une première constatation est, que selon l’unité fonctionnelle choisie, les morphologies qui se révèlent les plus performantes ne sont pas les mêmes. Ainsi, quel que soit le quartier, la morphologie de type intermédiaire (villas) est moins performante que la maison sur quasiment l’ensemble des indicateurs environnementaux (dont l’effet de serre et l’énergie primaire consommée) lorsque les résultats sont exprimés en impacts/m2 SHAB. En revanche, si les résultats sont exprimés en impacts/occupant, c’est exactement l’inverse : la morphologie de type intermédiaire est plus performante que la maison individuelle. En ce qui concerne la 3ème morphologie de type immeuble collectif (uniquement présente dans le quartier de Bobigny), quelle que soit l’Unité Fonctionnelle (UF) considérée, elle n’est jamais la plus mauvaise en termes d’impacts environnementaux, ceci s’explique principalement par la compacité de ce type de bâtiment qui limite les pertes thermiques.
Bobigny, quartier de banlieu Villiers sur Orge, quartier périurbain
Comparaison des impacts par habitant Exemple : énergie consommée, réchauffement climatique, déchets produits Note : ces résultats ne sont pas forcément généralisables
Bien qu’il ne soit pas évident de déterminer quelle UF est la mieux adaptée, les motivations de l’étude donnent quelques pistes d’interprétation. Exprimer les résultats en impacts/m² SHAB signifie écarter l’aspect de la densité d’occupation, qui est une caractéristique intrinsèque à la morphologie de bâtiment. Cela revient à comparer des bâtiments uniquement sur le plan physique. En revanche, l’UF des impacts/occupant prend en compte de façon plus exhaustive l’occupation et l’utilisation propre à chaque morphologie. Elle semble donc plus adaptée pour une comparaison plus systémique/globale.
Les résultats montrent, que quelle que soit l’UF considérée, les impacts en effet de serre et énergie primaire consommée sont, dans l’ordre décroissant, plus importants pour la maison individuelle, puis la morphologie intermédiaire et enfin l’immeuble collectif.
Cette approche par quartier creuse donc l’écart entre les morphologies sur certains indicateurs et confirme les bonnes performances environnementales de l’immeuble collectif.
La dernière partie de cette étude a consisté à affiner les scénarios d’utilisation grâce à l’apport de données d’enquêtes psychosociologiques et de factures provenant des quartiers étudiés. Globalement, la prise en compte de ces enquêtes a pour résultats une hausse importante des consommations d'électricité et par conséquent des déchets radioactifs produits (+ 60 à 120 %), une hausse significative de l’énergie primaire consommée (+ 20 à 40 %), une baisse légère de la consommation d’eau (- 5 %) et une hausse modérée sur tous les autre indicateurs (+ 5 à 15 %).
Une variante a été finalement calculée afin d’évaluer l’influence de l’utilisation de ces nouveaux scénarios en ce qui concerne les transports. Il en ressort que cette prise en compte augmente les impacts sur le quartier de Bobigny et modifie très peu les impacts sur le quartier de Villiers. Finalement les données sociologiques réduisent l’écart entre les quartiers tout en confirmant un impact plus important en péri-urbain qu’en banlieue.
On en vient naturellement aux perspectives d’amélioration de cette approche en particulier, et du modèle en général. L’ajout de données sociologiques de terrain a l’avantage de pouvoir apporter une description spécifique du cas d’étude, ce que ne peut pas faire une approche statistique basée sur des données recueillies à l’échelle nationale. Néanmoins il serait hâtif de considérer les résultats précédents comme des améliorations. Pour être efficace, cette méthode requiert un nombre suffisant de réponses aux enquêtes (pertinence quantitative) ; et faire que ces réponses soient utiles au modèle (pertinence qualitative). Si pertinence quantitative et pertinence qualitative ne sont pas réunies, l’apport de ces données peut s’avérer contre-productif et réduire la fiabilité des résultats.
Des pistes d’amélioration peuvent être imaginées. Le taux de réponses aux questionnaires dépend de la disponibilité et de la bonne volonté des habitants, ce dernier aspect peut être encouragé par un travail de sensibilisation et de communication en amont. Ces limites pourraient également être évitées grâce à de l’instrumentation permettant de récupérer automatiquement des données précises sur les consommations d’énergie, d’eau ou les températures de chauffage. Cette instrumentation améliorerait par la même occasion l’aspect qualitatif en apportant un réel contrôle sur le type d’information capté.
Nul doute qu’à l’avenir les collaborations entre ingénieurs et sociologues seront amenés à se renforcer afin d’améliorer toujours plus les modèles numériques des quartiers, archétypes des systèmes complexes mêlant phénomènes physiques et comportements humains.
Publications :
Contact :
Bruno PEUPORTIER du CES, centre commun à MINES ParisTech et ARMINES
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